Combien vaut vraiment ma bille de bois ?

Ceux qui vendent des billes sont souvent déçus d’obtenir un prix bien inférieur à ce qu’ils espéraient, et ils aimeraient comprendre les raisons du déclassement qu’on leur impose.

Même s’ils sont beaux et droits, tous les arbres ne sont pas bons pour le sciage en planches et madriers, a affirmé Pierre Éthier, un expert du domaine, lors de l’atelier de Boisés Est du 15 juin dernier.

M. Éthier, président de Boisés Est, est propriétaire de Clarence Creek Wood Select, une entreprise de sciage, séchage et façonnage de bois d’ébénisterie et il en connaît beaucoup sur la question; son entreprise familiale en dépend. En fait, il se procure régulièrement des billes de bois de propriétaires de boisé de la grande région est-ontarienne. Et il lui arrive souvent d’avoir à les « éduquer » sur les défauts du bois qui lui font perdre sa valeur marchande. La courbure, la roulure et les contraintes sont les plus communs, et font en sorte que la « belle » bille d’érable ou de chêne ne finira pas en recouvrement de plancher…

Courbure : il n’est pas possible de « rectifier » la courbure d’une bille de bois franc. Cette portion, deux pieds en dessous et deux pieds au-dessus, doit être envoyée au bois de chauffage, en espérant que la portion de bille restante sera assez longue pour en tirer des beaux morceaux longs. Il vaut donc mieux la tronçonner au nouveau de la courbure afin d’obtenir des sections aussi droites que possible même si elles doivent être un peu plus courtes. Dans le meuble, de toute manière, on a rarement besoin de planches longues. Bois courbé… bois de chauffage

Roulure : plus pernicieuse car peu visible de l’extérieur. Les troncs d’arbres sont soumis à toutes sortes de contraintes structurales dues au vent, surtout dans des boisés assez ouverts. Il en résulte chez certaines espèces, surtout résineuses, la séparation mécanique des anneaux de croissance du plus vieux bois. Au sciage, le madrier soumis à un choc peut littéralement tomber en morceaux… bois de chauffage.

Contraintes (bois de tension et de compression) : des arbres se retrouvent parfois en position précaire, comme lorsque le ruisseau qui passe à proximité a grugé leur fondation et ils commencent alors à pencher, exerçant beaucoup de pression/tension asymétriques sur le tronc. Une fois coupée, la bille peut paraître parfaite. Le problème survient lorsqu’on coupe ce bois, libérant les contraintes; il se déforme, souvent sous la scie. De plus, le bois de tension ou de compression réagit mal au séchage… bois de chauffage.

Parlons-en du bois de chauffage : avec l’aide de Michel Lafleur, autre membre de Boisés Est, M. Éthier a fait une expérience là-dessus pour en avoir le cœur net. Quand devient-il plus payant de transformer une bille de bois franc en bois de chauffage qu’en bois de sciage, compte tenu des pertes et autres coûts ?

Eh bien, à 90-100$ la corde de bois dur séché, et dans le contexte actuel du marché du bois franc, l’option « bois de chauffage » s’avère aussi payante que le sciage pour le bois d’ébénisterie, a découvert l’équipe de M. Éthier, ce qui est une bonne consolation, considérant que bien peu d’arbres se rendent jusqu’au bois de sciage de qualité. La majorité des billes finiront sans doute dans un poêle à bois… Dans le marché actuel, c’est souvent la solution la plus rentable sauf pour les billes exceptionnelles et reconnues comme telles par l’acheteur.

En conclusion, pour valoriser ses billes, le propriétaire de boisé doit faire affaires avec un professionnel de confiance. Au cours des années, il doit aussi gérer son boisé de manière à maximiser la valeur des billes tout en respectant l’environnement, ce qu’on apprend ensemble en assistant aux ateliers de Boisés Est.