La succession du boisé : il vaut mieux la planifier!

par Pierre-Alain Blais

Les membres de Boisés Est sont fiers de leur boisé. Ils y investissent énergie, temps et argent pendant de longues années. Qu’arrivera-t-il quand ils n’auront plus l’énergie nécessaire pour maintenir cet investissement? Qu’adviendra-t-il de la valeur financière et morale qu’ils ont donnée à leur boisé à leur décès? Leurs héritiers seront-ils capables de prendre la relève et de préserver leur héritage tel qu’ils l’ont voulu?

Ne pas attendre à la dernière minute pour planifier ce qui arrivera à notre cher boisé après notre décès – et décider qui s’en occupera et de quelle façon – tel était le message central qu’a martelé Jean-Claude Havard – secrétaire de Boisés Est, le conférencier à l’atelier de Boisés Est du 15 janvier 2011.

Après y avoir investi autant de son temps, de capital, de ressources à valoriser le boisé et « augmenter » sa valeur écologique, on ne voudrait pas que le boisé tombe entre les mains de spéculateurs dont le premier réflexe sera de tout faire couper les arbres de valeur. Ce serait triste après tant d’efforts et après y avoir investi tant de soi même.

Ce serait triste aussi si les héritiers ne savaient pas trop quoi en faire ou s’ils devaient s’acquitter d’une formidable facture d’impôt juste pour garder le ou les boisés dans le patrimoine familial.

En fait, il ne faudrait pas trop attendre pour s’informer des modalités fiscales et légales complexes qui accompagnent le processus de succession (ou de transfert aux enfants) de nos jours.

Il faut se poser les bonnes questions et savoir quand consulter les spécialistes de ces questions délicates, avertit Jean-Claude, spécifiant que c’est précisément ce qu’il a fait pour préparer l’atelier, ne se proclamant aucunement spécialiste de la question.

Alors, par où commencer?

Quatre options divergentes
Mais avant d’aller trop loin dans le processus, Jean-Claude a présenté une série d’options qui s’offrent au propriétaire de boisé :

  • Il peut NE RIEN FAIRE, et laisser à ses survivants ou héritiers la tâche de se débrouiller avec les « plaisirs » d’une succession, surtout s’il n’y a pas de testament, ni mention explicite des dernières volontés quant à la disposition du boisé. C’est en fait, malheureusement, la situation de beaucoup de propriétaires qui n’ont pas pris le temps, ou n’ont pas eu l’occasion « de mettre leurs papiers en ordre au cas où… »
  • Il peut prendre des arrangements pour qu’à son décès, on fasse DON DU BOISE À UN ORGANISME DE CONSERVATION qui accepte de tels legs. De tels organismes existent déjà, précise Jean-Claude, qui se spécialisent dans la gestion pérenne des boisés, tout en suivant les volontés du propriétaire qui a légué. Un exemple est l’organisme Terra-Bois de Lachute (Qc). Jean-Claude espère qu’un bon jour Boisés Est puisse créer son propre organisme de gestion forestière, qui pourrait recevoir les legs de terres boisées et ainsi protéger ces joyaux environnementaux de tout spéculateur mal intentionné.
  • LOUER ou VENDRE : Il est possible de faire une vente conditionnelle – ou d’établir un bail conditionnel – au respect du Plan d’aménagement ou de certification. D’autre part, cela introduit des contraintes supplémentaires au contrat de vente, ce qui peut rendre plus difficile la tâche de trouver des acheteurs motivés.
  • TRANSFÉRER AUX HÉRITIERS.

Par où commencer?

Dans tous les cas, il est bon de se renseigner sur les conséquences fiscales à court et à long terme de l’option choisie. C’est même à faire avant de choisir une option.

Dans le cas de la vente conditionnelle ou du transfert intergénérationnel, il est indispensable de planifier d’abord le processus.

Qu’arrive-t-il au PEFFA ?

En cas de vente ou de transfert aux héritiers, on peut se demander ce qu’il adviendra du Plan d’aménagement forestier que l’on appliquait assidûment et de la réduction de taxe foncière résultante en vertu du programme PEFFA.

Selon les informations glanées auprès des spécialistes en Ontario, les avantages fiscaux du PEFFA restent acquis tant et aussi longtemps que le propriétaire respecte son plan d’aménagement.

En cas de décès ou de transfert, le nouveau propriétaire peut aussi bénéficier du rabais de taxes mais il doit soumettre son propre plan, car le changement de propriétaire annule l’inscription au PEFFA.

Si le propriétaire ou le bénéficiaire du transfert informe les autorités du PEFFA de son intention de sortir du programme, il commencera à payer les taxes normales, mais il n’y aura pas à rembourser de taxes rétroactives.

Par contre, il faut bien noter qu’un propriétaire inscrit au PEFFA qui se fait prendre à ne pas respecter son plan d’aménagement peut se voir obligé à rembourser les rabais de taxes foncières dont il a bénéficié. On peut toujours demander des modifications à son plan d’aménagement.

Étapes de la succession

Si c’est vers un transfert aux héritiers que l’on se dirige, il faudra bien planifier le processus, ne pas sauter d’étapes. Jean-Claude recommande de suivre le cheminement suivant :

  • 1e étape : Faire le bilan, évaluer le potentiel, faire l’évaluation de la valeur marchande, morale, spirituelle, environnementale. Il faut pouvoir y mettre une valeur monétaire, en fonction du respect des objectifs des plans d’aménagement et de certification, s’ils existent. En passant, de plus en plus de vendeurs de terrains à haute valeur écologique se servent de l’Internet pour rejoindre des acheteurs conscientisés au niveau mondial qui veulent eux aussi protéger ces bijoux des acheteurs peu scrupuleux.
  • 2e étape : Consultation familiale préliminaire. Y a-t-il de l’intérêt et une volonté de continuer le projet parmi les héritiers ?
  • 3e étape : Consultation d’experts : votre comptable et fiscaliste pour bien comprendre la portée financière des décisions que vous vous apprêtez à prendre… et d’avoir l’occasion de les changer et de les adapter avant d’apposer sa signature au bas des documents.
  • 4e étape : Plan de relève (transfert) et échéancier : finaliser qui fait quoi, comment et quand pour réaliser les objectifs pratiques, personnels, financiers et fiscaux. On met en application les objectifs retenus par consensus.
  • 5e étape : Testament : Quel avenir prescrire à votre boisé ? Par exemple : « Je veux que mon plan de certification soit maintenu pour les prochains xx années ».
  • 6e étape : Communication : Il faut s’en parler.
  • 7e étape : Mise en application

Considérations fiscales

Un aspect fiscal très important est de savoir comment votre boisé est considéré aux yeux des gens de l’impôt. En fait, il y a deux grandes catégories de boisés, explique Jean-Claude :

· récréatif (non-commercial, usage personnel seulement), et

· commercial (boisé de ferme commercial, géré comme une ferme, avec espérance raisonnable de profit à long terme)

Pour le classement récréatif (boisé non-commercial, sans aucune espérance particulière de profit), la fiscalité est relativement simple. Vous payez votre impôt sur le revenu sur les ventes occasionnelles. Vous pouvez réclamer certaines dépenses (de façon restreinte) dans vos déclarations de revenu. À la vente ou au transfert de votre boisé, les même règles d’exemption pour votre résidence principale pourraient s’appliquer, même s’il n’est pas attenant à la résidence.
Selon les normes de Revenu Canada, il semble bien que la plupart des membres de Boisé Est se retrouvent actuellement dans cette catégorie.

Le coût fiscal à la valeur marchande du boisé récréatif sera évalué en tenant compte du prix d’achat initial ou de la valeur initiale, moins les dépenses effectuées pour les travaux d’aménagement et le paiement des taxes foncières pour la durée de possession dudit boisé.

Si vous adoptez le statut de boisé de ferme commercial (ou de ferme forestière), vous pourrez déduire vos dépenses légitimes de vos revenus imposables au même titre que les agriculteurs. Vous n’avez pas besoin d’avoir des revenus forestiers immédiats, mais vous devez avoir une espérance raisonnable de profits à plus ou moins long terme (superficie suffisante)… et être en mesure de le justifier devant l’Agence Revenu Canada.

De plus, avec le statut commercial, vient l’obligation d’avoir un plan d’aménagement  (certification recommandée). Il faudra aussi tenir une comptabilité précise de vos investissements (tracteur, etc.), de vos dépenses (plantations, carburant, etc.) et, le cas échéant, de vos ventes, mais il n’est pas nécessaire de vous enregistrer comme entreprise.

Dans ce cas-ci, les règles fiscales sur le transfert intergénérationnel permettent de reporter le gain de capital à l’héritier qui peut lui-même les léguer à son héritier, etc.

Transférer à vos héritiers

Comme dans le cas des agriculteurs, ce transfert peut se faire directement de votre vivant. On peut aussi opter pour un transfert par l’intermédiaire d’une fiducie (fiducie entre vifs), qui sera imposée à titre indépendant. Votre testament peut prévoir un transfert direct à votre décès ou un transfert par l’intermédiaire d’une fiducie (fiducie testamentaire), imposée également à titre indépendant.

Consultez les experts pour déterminer la solution qui vous convient le mieux, mais déterminez d’abord vos objectifs et ceux de votre famille, sinon les factures d’experts pourraient grimper très vite.